Le dîner de retour

C'était un plaisir d'écouter Alandaros parler et annoncer un avenir heureux tel que celui-ci. Lorsqu'il se rassit, plusieurs serviteurs commencèrent à amener les plats et les déposer devant toutes les personnes présentes. A son tour, Azalaïs prit la parole :

- C'est un grand plaisir de vous voir tous assemblés ici, puisse Dieu bénir ses fidèles et assurer à l'Eglise cathare et à l'Occitanie paix et prospérité. Que le repas commence!

A présent, le temps était aux disvours moins solemnels, et la salle commençait à s'emplir de bruits de conversations et d'entrechoc d'assiettes.

A ces mots, Azalaïs adressa un regard entendu à son fiancé, qui en retour aquiéça d'un signe de tête. Tous deux connaissaient leurs forces mais aussi leurs faiblesses, et savaient fort bien comment chacun savait pallier à celles de l'autre.

Elle s'adressa alors à Eros avec douceur :

- Eros, je comprends votre sentiment. Après tout quoi de plus normal, nous quittons l'Eglise, le Languedoc, toutes nos tâches ici. Puis après de longs mois, nous revenons et non contents de nous permettre un retour si soudain, nous annonçons notre baptême en l'Eglise aristotélicienne. Pour cela seul, il y en a assez pour mal regarder notre retour. Il est en réalité si humain de penser que nous agissons peut être en opportunistes, et même si vous refusez de penser cela, n'y a-t-il pas une partie de vous-même qui le souffle magré vous? Toutes ces choses qui se pensent mais qui sont indicibles, je les entends aussi. Et je comprends votre amertume face à cet article. Sachez seulement que ni Alandaros ni moi-même n'avons été pleinement libres de la composition de cet article, que nous n'étions pas interrogés au sujet de la communauté cathare mais sur notre baptême, sur les raisons qui nous ont poussé à accepter cela.
Aussi, il ne s'agissait pas de parler de la communauté cathare, mais uniquement de nous en tant que personnes. Ainsi, le rappel de la protection d'Alandaros à l'Eglise est en réalité entièrement normal et logique, car il s'agissait pour lui de signifier à l'Eglise Aristotélicienne que si elle nous avait acquis au baptême, il n'en était pas de même d'un soutien réel, politique ou au besoin militaire. Ces baptêmes, surtout celui d'Alandaros, n'étaient pas anodins. Il convenait que des déclarations soient faites à ce sujet pour garder chaque chose à leur place.
Hors cela, il est évident que nous ne tenons pas préséance sur la communauté cathare et que nous souhaitons que l'Eglise puisse se développer avec aise, et sans une quelconque tutelle. Par cette déclaration, Alandaros place sa famille, qui sera aussi bientôt la mienne, dans une position de protecteurs laïcs naturels, rien de plus. Il est absolument exclu qu'il y ait une quelconque tutelle dirigiste ou même seulement une tentative de tutelle.

Après cette tirade dite d'une traite, elle but une gorgée d'eau et poursuivit sans que quiconque soit intervenu, attendant ce qu'elle dirait par après.

- Quant à notre présence, Eros, vous savez par les lettres que je vous ai envoyées que je souhaite être présente auprès de vous autant qu'il me sera possible à présent. Je devrai m'accomoder de discrétion, toutefois je me suis engagée auprès de vous lorsque je vous ai signifié mon retour. Vous savez que si vous avez besoin de mon aide, à défaut de ma présence physique en tous temps, elle vous est toute aquise. Je suis cathare à jamais.

Lorsqu'elle eut finit, elle observa tour à tour Eros et Alandaros, guettant les réactions à la fois du diacre et de son futur époux.

-Vos paroles vont dans le sens que j’espérais dame Azalaïs. Vous avez su lire mes inquiétudes et interrogations mais surtout vous avez su y répondre. Là où je me résignais à prendre des distances, vous me donnez en toute simplicité les explications qu’il me manquait. Je vous en suis infiniment reconnaissant.

Eros se leva alors et dit sans hésitation et d’une voix franche :

-Moi, Eros dit le « héros », Bonhomme, diacre de Carcassonne et représentant des cathares renaissants, jure fidélité et loyauté à Alandaros de Valincourt, Baron de Montségur et Comte de Beaulieu. Je reconnais en lui notre bienfaiteur et ne permettrez pas qu’en ma présence son honneur soit bafoué.
Ce serment, je le fais à vie et je l’étends à la famille et descendance de mon protecteur.